
« Trace ta route » c’est le nom d’un projet de photographie participative initié par Anaïs Suire en octobre 2019, qui a réuni une quinzaine de femmes du quartier de Fives à Lille, autour de la grande question de la place des femmes dans l’espace public. C’est elles qui ont choisi cette appellation-là, car la rue c’est souvent la sensation qu’on n’a rien à faire là : « les femmes s’occupent, les hommes occupent. »
Réunies par l’envie de découvrir différentes techniques de photographie et de partager réflexions et vécus sur ce thème, nous sommes une quinzaine de femmes, gravitant autour du lieu Chez Djouheur, à Fives, à se retrouver tous les samedi matins entre novembre 2019 et mars 2020.
Autour d’un thé, d’un café, les échanges vont bon train, la photographie crée la rencontre. On décortique la problématique dans les premiers temps. Il y a des choses sur lesquelles il est facile de se mettre d’accord : L’espace public c’est la rue, c’est le bar, c’est la bibliothèque et le terrain de basket. Le harcèlement de rue, les viols, les baisers volés, sont autant de traumas collectifs qui freinent notre accès au dehors, alors que c’est aussi là que se nouent les amitiés qui nous construisent et que s’exprime notre citoyenneté !
Tout au long du projet, on se pose mille questions : Où squattent les femmes ? Est-ce que la dichotomie dedans/dehors a encore du sens aujourd’hui ? Est-ce que ce sont les femmes qui s’interdisent d’aller dans certains endroits ? Est-ce qu’objectivement la rue est plus dangereuse pour les filles ? Quel rôle joue l’éducation des filles dans ce constat ? A qui bénéficie le mobilier urbain ? Le terrain de foot et le skatepark d’à côté nous sont-ils destinés ?
Appareils photo en main, nous tentons d’illustrer en images nos questionnements et nos expériences de la rue. Toutes les techniques sont bonnes : Light graff, roman photo, cartes mentales, flash en plein jour, portraits en pose longue,…

L’exposition, prévue en mars 2020 et repoussée en octobre 2020, permet de rendre visibles nos échanges et nos vécus. Pour la peine, on voit les choses en grand en s’affichant Chez Djouheur, mais aussi dans les rues de Fives, sur des photos d’un mètre sur un mètre cinquante.
La série exposée dans la rue montre des femmes, en groupe, qui squattent des places, des trottoirs, des city-stades, des sorties de métro. Affichées aux endroits où elles ont été prises, ces images opposent frontalement la fiction à la réalité et ouvre ainsi les yeux des spectateur-ices sur l’occupation genrée de l’espace public. Elles donnent aussi à voir en grand des images de femmes, ni photoshopées, ni sexualisées et cherchent, de cette manière, à lutter contre les représentations dominantes véhiculées par la publicité.